Mon coeur battait la chamade. J'ai glissé
l'objet intime dans la poche de mon pantalon. Juste le temps de
rassembler mes esprits... Il y a trois ans, après notre nuit de
noces, qu'était-il advenu de la jarretière d'Isabelle ? Car c'était
bien la sienne ! Comment avais-je pu ainsi me laisser enfumer ?
Non, Billy n'était plus un enfant ! En dépit des apparences, nous
avions le même âge... Etait-il entré par effraction dans ma vie
amoureuse ?... Je contenais ma colère. Protéger Isabelle, c'était
là ma seule mission ! Eloigner le danger d'Isabelle, par tout moyen.
- Où as-tu trouvé cette jarretière, Billy ?
- Ah oui ! Le mariage de Philippe, d'Isabelle. Avec un cheval,
dehors... Mais j'ai j'ai j'ai... pas invité, alors... Je me suis
sauvé... Caché ! Caché. Avec un cheval, dehors... Toute la nuit,
dansé, oui...
Je ne sais pourquoi, j'ai hoqueté de rire. Un rire incontrôlé,
résonnant dans le corridor, décuplant la douleur à mon front. J'ai
porté la main sur cette boursouflure de chair, enserrant le métal.
Il me fallait trouver appui contre le mur, reprendre mon souffle...
Billy semblait attendre, immobile.
- Tu nous as vus partir à cheval, Isabelle et moi ?
- Non... Je j'ai suivi vous... Après la nuit du du du... la nuit du
cheval. La jarretière, la jarretière... dans le sable.
- Tu nous a vus allongés dans le sable ?
Billy a inspiré bruyamment. Du verre craquait encore
sous ses pieds. À nouveau, j'ai tenté de deviner ses intentions...
Inutile ! Je ne pouvais rien décrypter dans ces yeux
écarquillés.
- Et Isabelle ? Tu as revu Isabelle, depuis ?
- ...
- Billy ! As-tu revu Isabelle ? Parle !
Je n'ai pas attendu sa réponse. En moi montait une colère
irrépressible J'ai fais
deux pas en avant, les poings serrés. Volte-face ! Lâchant un cri
de frayeur, Billy est reparti en courant dans le couloir.
Billy s'était réfugié dans une cellule ; quelques enjambées me
suffirent à la rejoindre. Posté dans l'encoignure d'une porte, je
cherchais vainement des yeux mon ami d'enfance. Il était là,
pourtant, retenant sa respiration... J'ai parlé dans le vague, mais
d'une voix assurée :
- Dis-moi tout, Billy : as-tu revu Isabelle, depuis le mariage ?
Du fond de la pénombre, une voix m'est parvenue, toute tremblante :
- Dans la rue. Elle... elle a sourit. Très gentille, Isabelle ! Mais
après... elle est partie.
Isabelle, au sourire bienveillant... Tandis que je visualisais la
rencontre, un autre sourire m'est revenu à l'esprit : celui de
Maman. Billy avait toujours suscité sa tendresse... Enfant, j'en
éprouvais des bouffées de jalousie.
J'ai conclu, avec une certaine fermeté :
- Tu ne devras plus approcher ma femme, Billy. Plus jamais. C'est bien
clair ?
Ma colère retombait. Où donc se cachait-il, le camarade au corps
brisé ? Quelque part, dans ce cube de pénombre... Ici vivait un
moine, autrefois. Ici peut-être vivait et souffrait Gabriel, son
propre père. Qu'était-il advenu de lui, après le voyage en train ?
Est-ce que Blandine l'avait éconduit ? Avait-il de lui-même
rebroussé chemin, retrouvé sa cellule monastique ?
Billy a percé le silence :
- Avant... Avant, on était amis... Pas revu Philippe, après !...
Après l'accident...
- C'est vrai, Billy. Je t'ai perdu, ce jour là... Et pourtant,
crois-moi, jamais je ne t'ai oublié.
- Non, pas revu Philippe ! Je j'ai pas revenu à Galvier, après...
Maman voulait plus. Mais pas très loin, non non, pas si loin !...
Une heure de train, même pas. Parce-que... Parce-que après...
Maman, elle pleurait tout le temps. Tout le temps, oui ! Alors, mon
Papy il m'a ... Papy il m'a... il m'a...
Billy buttait sur un mot, de ceux qui font vraiment mal :
- Papy,
il m’a placé !
[A suivre]
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