samedi 3 mai 2014

Je revenais de guerre - roman - X

 A l'aube, les oiseaux m'ont tiré du sommeil. Encore allongé, j’ai cherché à tâtons cette pièce de fer si proche de ma tempe... Non pas une balle, plutôt une sorte de mèche, déchiquetée à la base. Qu’adviendrait-il, si je la retirais ?
J'ai pu me lever, au prix de puissants vertiges. Je me mordais les lèvres. La vue me revenait, se brouillait à nouveau. Trois pas à l'extérieur, grelottant, moulé dans ma couverture comme une vieille dans son châle... Que reconnaître, autour de moi ? Des ombres de résineux, des ombres de bosquets, des ombres de rails.
Kalifa avait disparu, je me suis assourdi à l'appeler. Serait-elle partie chercher du secours ? L'idée m'a fait rire. Un rire salutaire, en dépit de la douleur. J'ai levé les yeux, le soleil me faisait du bien.


J'ai pensé à Isabelle. Elle se réveillait sûrement, à quelques kilomètres... Des persiennes filtraient la lumière. Une épaule sortait du drap, se soulevant au rythme de la respiration. Une épaule dénudée et sa bretelle de soie...
Cette nuit de noces où nous avons tourné jusqu’à l’aube, Isabelle portait une magnifique robe épaule nue. L'orchestre enchaînait les paso doble, moi je ne songeais qu'à couvrir de baisers le cou de ma femme soleil.
Nous sommes sortis aux premières lueurs, ivres de champagne et de danses. Kalifa nous attendait au dehors... Isabelle l'a montée à cru, en amazone, telle une héroïne de roman. Du reste, qu'était-elle d'autre dans mon esprit ?
Je menais la jument par la longe. Ainsi, nous avons marché jusqu'au château d'eau. Une aube si douce. Les oiseaux pour seuls témoins... Isabelle s'est laissée glisser dans mes bras.


Isabelle, la chance de ma vie ! Dire qu'elle me croyait en Afrique... M'espérait-elle encore ? M'accueillerait-elle en vagabond ?... J’ai marché à contre jour, jusqu’à retomber sur le fût. Kalifa n'avait pas tout bu ; il restait de l’eau en abondance. Pour peu, j’y aurais étanché ma soif.
Mon visage m'est apparu, dans le miroir de la surface. Moitié noir, souillé par la terre et le sang... Cette noirceur cachait peut-être une hémorragie interne ? J’ai passé la main sur ma face engourdie. Je l’ai nettoyée de mon mieux, sans pouvoir juger du résultat ; l’eau troublée ne reflétait plus rien.



Quand j’ai relevé la tête, Billy était là.  


[A suivre]

2 commentaires:

Danièle Duteil a dit…

C'est un plaisir de te lire, cher Paul, et de se laisser entraîner par tes mots. Il faudra que je déguste l'intégralité.BIZ

Paul de Maricourt a dit…

C'est un plaisir d' être lu par toi Danièle! Je ne sais pas ce que vaut le texte, alors n' hésite pas à me livrer tes impressions. Bises