samedi 29 mars 2014

Je revenais de guerre - roman - V

 Quelque chose venait de me frapper au front. Un choc assez violent pour me désarçonner ! Je suis tombé à la renverse. Ma jument me traînait, groggy, un pied dans l'étrier. Mon corps traçait un sillon dans la boue du chemin. Impossible de respirer ! D'instinct, j'ai dû tendre le bras, saisir une tige de noisetier...
Kalifa s’est arrêtée. Plusieurs minutes se sont écoulées, aux frontières de la conscience. La douleur infusait dans mon crâne. Allongé sur le dos, j'écoutais mon souffle se réguler, peu à peu. Ma jument broutait à deux pas, dans une sereine indifférence.
J’ai levé vers mon front une main noire et tremblante. Prudente auscultation... Un peu plus bas, plus près de mon œil… Qu'était-ce ? Qu'avais-je là, planté dans la chair ? J'ai effleuré la chose de l'index... Merde, c'est pas vrai !...
J'avais une pièce de métal fichée dans le front.


Du métal dans le crâne. Bon Papa n’avait-il pas survécu à Verdun, avec ses poumons criblés de shrapnel ? Parfois, la vie se joue à un millimètre. Cette chose dans mon crâne – une balle ? - faisait peut-être bouchon, comme l'épée du matador...
Vivant. Vivant mais sursitaire, avec ça dans la caboche. Une balle perdue, sûrement. Destinée à un chevreuil, une biche... Mais tirée si proche de Galvier ? Et tout juste audible ?... La colère m'a traversé. Où se cachait-il, ce funeste chasseur ? Montre-toi, salopard !...
Il me revenait un semblant de vue, assombrie, déformée. Une infime vue de l’œil droit, l'autre étant noyé de sang. De toute urgence, je devais gagner un hôpital. Mais comment ?


A nouveau, j'ai empoigné un jeune noisetier. Je me suis levé en criant, m'agrippant au tronc nerveux. Oui, je pouvais tenir debout ! Mon énergie restait là, dans mes jambes d'athlète. Pourrais-je me traîner ainsi, jusqu'à la villa blanche ?
J’ai fais deux pas, tendu la main vers une ombre mouvante. J'ai senti la panse de ma jument, chaude, se gonflant paisiblement au gré de sa respiration. Kalifa ! Ramène-moi à la maison !

Les feuilles ont craqué, sur le chemin.  

[A suivre]

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