Une-deux ! Je trottais en levant les fesses, sur un lacet de
départementale. Ainsi, j'ai traversé Vernes, hameau perdu dans le
colza et les cultures fourragères. Des roues de tracteur avaient
marqué l'asphalte de leurs motifs boueux. Toujours trottant, j'ai
longé une enceinte de propriété, des pâturages bosselés...
Il reviendra à Pâques, ou à la Trinité...
C'est au 11 novembre que je rentrais, pour ma part, fredonnant la
chanson de Marlbrough. Le 11 novembre, quel symbole ! Un soleil de
fin de journée ravivait mes galons – deux par épaules, ce qu'il
faut pour un digne retour. Auprès de ma brune.
Isabelle ! Ensemble, nous avions passé un premier Noël africain, à
bonne distance du conflit. Nous nous étions retrouvés chaque fois
que possible, au gré des permissions... Puis ces lettres, ces appels
qui petit à petit s'espaçaient. Inévitable distance ! Il était
temps de rentrer.
Isabelle me croyait loin, ce soir de novembre ; la surprise serait
totale.
J'allais ainsi, à la dernière heure du jour, quand tout s'estompe.
Bottes de cuir gras, boutons rutilants, képi de feutre. Comme
apprêté pour la parade, j’espérais monter avec prestance.
Personne n’était dehors pour me regarder passer. Hé ! N'est-ce
pas là le vrai cavalier ? Sa dignité ne le quitte pas, même s'il
est seul.
Plus jeune, c'est en jogger que je parcourais cette route chaque
dimanche matin, forçant sur les mollets. Le château d'eau, la
sablière, l'ancienne abbaye, la tourbière enfin, contournée par
une large boucle. Vite ! Vite ! J'imaginais un invisible challenger,
là, juste derrière moi...
Non, vraiment personne en vue. A droite, une crête de sapins,
alignés comme des tuyaux d'orgues. Quelques kilomètres encore et
aux abords du château d'eau, je quitterais la route pour le chemin
communal. Galvier était là, tout près, en creux de vallon.
Deux coups de feu, à quelques secondes d'intervalle ; un invisible
chasseur laissait filer sa proie. Mon regard traînait dans les
champs : troupeaux alanguis, soleil flou à l'ouest du plateau… Un
halo blanc s’échappait des naseaux de ma bête. Quelle délicieuse
fraîcheur !
Je trottais sur le chemin de terre, aux portes de Galvier. Si près
de ma maison d'enfance ! Plus près encore d'une villa blanche aux
murs d'équerre... Une villa moderne où je n'avais encore jamais
dormi, qui pourtant était mienne. Dans ce pays à vendre, ma femme
avait éprouvé le besoin de bâtir !...
Chez moi, vraiment ? Il faudra s'y faire.
[A suivre]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire