samedi 5 juillet 2014

Je revenais de guerre - roman - XIX

 - Je suis triste pour toi, Billy. Profondément triste.
Je ne trouvais rien de mieux à dire. Pourtant, j'éprouvais vraiment du chagrin. Gabriel ne viendrait pas chercher l'enfant perdu. Gabriel ne mettrait pas un terme à ce cauchemar...
Pour peu, je me serais avancé. J'aurais serré dans mes bras l'ami de mes douze ans. Mais pas si vite ! Billy était mon agresseur. Je lui devais cette pointe de fer, fichée en haut de mon front. Billy portait encore l'arbalète meurtrière ! Sur lui, ou sur l'échine de la bête, qui patientait au dehors...
  • Billy, ta monture... C'est quoi ? Un taureau ?
  • Non c'est... Lucifer.
Lucifer ! Allons donc ! Billy n'avait jamais eu d'éducation religieuse, et moi, je ne croyais plus en Dieu depuis belle lurette. J'ai pouffé de rire. Aussitôt, Billy m'a tourné le dos. D'un pas décidé, il a marché vers le fond de la pièce, et s'est évanoui dans un recoin. J'ai crié :
  • Où vas-tu, Billy ? Reviens !
Une porte a claqué. Guillaume Falcata dévalait un escalier, sautant d'un palier à l'autre. D'ici quelques instants, il serait dehors.


Seul, dans le sanctuaire aux douze chandelles. Que faire, à présent ? Devais-je suivre Billy ?... Non ! Ici, j'étais à l'abri. Peut-être même pouvais-je espérer des secours. Kalifa avait dû regagner son écurie... Sûrement, Lionnel avait donné l'alerte ! Mon beau frère ratissait les bois, avec une brigade de gendarmes... Derrière ces murs, je pouvais l'attendre sans risque.
Pas assez loin... pas assez loin d'Isabelle, le danger..., me soufflait une petite voix tenace. Tu n'es qu'un sursitaire... Il te reste quelques heures de vie. Eloigner la bête, c'est ta seule mission !
La mort dans l'âme, j'ai rejoins ce renfoncement, où Billy s'était évanoui. Il y avait là une porte dérobée, je l'ai refermée derrière moi. Un clou au mur a déchiré ma veste ; qu'en restait-il ?... Je suis descendu dans la poussière d'un escalier raide, m'agrippant à la rampe.
Tout en bas, j'ai traversé ce qui peut-être fut un réfectoire. Des tables et des bancs, en place pour un prochain repas... Cette odeur de soupe... Hallucination ! Ça ne pouvait rien être d'autre. Mais au juste, qu'est-ce qui était réel ?


Il pleuvait. J'ai marché jusqu'au mur de clôture, tête baissée, traînant les pieds. Reprendre ma course, plein ouest... La pluie martelait ma nuque, la peur me tenaillait. Non, je ne renoncerais pas !
Enjambant la grille, j’ai entendu le grognement redouté. Elle se tenait à dix mètres, la monture de Billy : chose noire, basse et luisante, un éclair métallique au fond de l'oeil... bête de guerre aux cornes d’auroch.
Voilà donc Lucifer... Je suis resté quelques instants pétrifié, fasciné par mon ennemi. Trouverais-je la force de le braver ?


La chose a eu un gaz profond, une pestilence de charnier.

L'heure était venue.


[A suivre]

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